Outils d’analyse automatiques d’accessibilité numérique : pas de solution magique !

Vous le savez peut-être, un audit d’accessibilité peut être long et coûteux. Pour faciliter ce processus, des outils d’accessibilité automatiques ont été développés. Ces outils sont des programmes informatiques qui permettent de détecter automatiquement les problèmes d’accessibilité sur les sites web, les applications et autres contenus numériques.

Ils utilisent des algorithmes avancés pour analyser le code et l’interface utilisateur, identifiant ainsi les obstacles potentiels pour les personnes en situation de handicap. Cependant, ces outils sont loin d’être parfaits et ne suffisent pas à répondre à l’obligation légale. Nous allons voir pourquoi dans cet article.

Les différents outils sur le marché aujourd’hui

Il existe différents outils qui permettent d’analyser automatiquement l’accessibilité d’une page, ces derniers peuvent prendre différentes formes.

Extension de navigateur

Il existe des dizaines d’extension de navigateur qui permettent de faire une analyse de la page en cours de consultation, une des plus connues est Google Lighthouse qui outre l’analyse d’accessibilité, vous présente des résultats liés à la performance ou au référencement.

Généralement ces extensions se basent sur des interfaces extrêmement simples, ou il suffit de cliquer sur un bouton pour lancer l’analyse et dès que celle-ci est terminée on obtient une note, puis la liste des défauts rencontrés.

Services en ligne

On retrouve de plus en plus de services en ligne qui proposent de rentrer l’url d’un service puis sur le même principe que les extensions de navigateur en un clic, on obtient en un clic un score ainsi que la liste des défauts rencontrés.

On retrouve par exemple des outils comme Asquatasun, Site Improve ou bien encore fruggr

Contrairement aux extensions de navigateur, ces outils peuvent être lancés sur plusieurs pages à la fois, voire sur ces parcours utilisateurs. Par ailleurs, ces solutions permettent pour certaines d’entre elles de pouvoir de connecter à des espaces authentifiés.

Librairies de test

Les librairies de test permettent d’exécuter de manière automatique des tests sur les sites en cours de développement. La plus connue des librairies de test est Selenium.

Au niveau des librairies spécifiques à l’accessibilité, il existe la librairie Axe Core qui permet d’exécuter automatiquement la vérification de certains critères WCAG (de niveau A, AA ou AAA) sur les pages spécifiées. Par exemple, les critères sur les contrastes, sur les iframe, les liens d’accès rapide, les landmark, etc. pourront être vérifiés.

Outils d’analyse de code (linter)

Un linter de code est un outil logiciel utilisé dans le développement de logiciels pour analyser le code source écrit dans des langages tels que HTML, CSS et JavaScript. 

Il vérifie que tout suit les règles de la langue que vous utilisez, s’assure que vous écrivez de la manière décidée par votre équipe, et repère même des erreurs de logique. Cela aide à rendre le code plus clair, efficace et sûr. En clair, il veille à ce que tout le monde écrive de la même manière pour que tout fonctionne bien ensemble. 

Certains linters intègrent l’accessibilité numérique : ils peuvent, sur demande ou automatiquement avant la publication du code, bloquer et afficher les erreurs ; et notifier des avertissements sur certaines zones sensibles qui méritent un contrôle manuel : 

  • La pertinence des intitulés des liens trop génériques comme “cliquez ici”
  • Les liens des attributs de formulaire
  • etc.

Les avantages de ces outils

Utilisés à bon escient, les outils analytiques peuvent mettre en lumière certaines problématiques rencontrées par les utilisateurs.

Leur plus grand avantage est la capacité d’analyse. Contrairement aux audits d’accessibilité formels que nous avons l’habitude de mener, qui sont quasi exclusivement manuels, pas de contrainte humaine. On peut décider de les lancer en continu sur des milliers de pages en simultané, il est également possible de lancer des analyses automatiquement après la définition d’un ou plusieurs évènements sur le service numérique, par exemple au déploiement d’une nouvelle fonctionnalité.

Ces outils d’analyse automatique peuvent également avoir un intérêt dans le cadre de l’intégration continue. En effet, le cadre légal demande à ce qu’un audit (et donc la déclaration d’accessibilité) soit réalisé tous les trois ans ou lorsque le site a été modifié de façon substantielle. Si de nouveaux développements sont publiés et/ou des contenus ajoutés entre deux audits, l’utilisation de ces outils peut être intéressante en complément du premier audit afin de corriger dès que possible les problèmes d’accessibilité relevés.

Les limites et risques de ces outils

Ces outils, bien qu’ils puissent être utiles sur certains aspects, comportent également des limites et des risques qu’il est important de prendre en compte.

Les limites

Tout d’abord, une partie de ces outils sont américains (ex : google LightHouse) ; ils se basent donc sur le référentiel WCAG et non le RGAA. Or, même si le RGAA est une méthode qui permet d’appliquer les WCAG, les critères AAA ne sont par exemple pas inclus dans le RGAA. Cette différence entre les deux référentiels peut amener les équipes à réaliser des correctifs chronophages et coûteux, avec un faible impact utilisateur.

Ces outils sont également limités par le fait qu’ils se basent sur des outils programmatiques pour détecter les problèmes d’accessibilité. Par conséquent, ils sont incapables de détecter les non conformités nécessitant une évaluation contextuelle ou subjective. Par exemple, un outil automatisé peut détecter l’absence d’attributs alt sur des images, mais il ne peut pas juger de la pertinence de la description fournie.

De par la nature même de l’outil, certains critères ne peuvent pas être testés par celui-ci : c’est le cas par exemple de l’ordre logique des contenus. En effet, l’outil a accès à l’ordre des contenus tel qu’il est dans le HTML, mais ne peut pas faire le lien avec celui affiché visuellement à l’écran.

Sur cette capture d’écran on peut voir que la date ainsi que la catégorie de l’article sont situées avant le titre (et c’est la même chose dans le code HTML de la page).

Cependant, le RGAA demande à ce que le titre soit le premier contenu dans le HTML, car si un utilisateur navigue dans la page avec un lecteur d’écran, il n’aura aucun moyen de savoir à quel article la catégorie et la date indiquées correspondent. Un outils d’analyse automatique sera donc incapable lui aussi de détecter un problème à ce niveau.

Si on fait le total, on ne peut réellement tester que 20 à 30% du référentiel de manière automatique. Cela reste donc intéressant mais très loin d’être suffisant.

De fait, ces outils automatiques ne permettent pas de délivrer une déclaration d’accessibilité conforme à celle demandée par la loi car celle-ci doit se baser sur l’ensemble du RGAA.

De plus, les outils d’analyse automatique ne prennent pas en compte la notion de criticité. En effet, en fonction des critères et des composants impactés par les défauts d’accessibilité, un site ayant un score plus élevé pourrait au final être moins utilisable par certains utilisateurs qu’un site ayant un score plus faible. Un problème d’accessibilité dans le menu d’un site aura un impact beaucoup plus important qu’un défaut sur un composant dans une page peu utilisée par les utilisateurs du site par exemple. C’est cette notion de criticité qui permet notamment de prioriser les correctifs à effectuer. Or ceci n’est réalisable aujourd’hui que sur les audits réalisés par un expert, un outil d’analyse automatique ne donnera pas cette information.

Les risques

Aujourd’hui, les outils d’analyse automatique proposent un score en pourcentage après “l’audit” et pour la plupart ne sont pas très clair sur ce qu’il signifie. Ceci entraîne par conséquent un énorme défaut de compréhension et les sites qui décident d’utiliser ces outils l’affichent souvent comme un taux de conformité.

Or comme vu plus haut, ces outils ne sont en capacité de tester qu’une petite partie du référentiel, et même si l’outil automatisé annonce un score de 100%, il reste entre 70% et 80% des critères à tester avant de pouvoir donner un “vrai” taux de conformité tel que la loi le définit.

Par quoi les remplacer ?

Les outils automatiques d’accessibilité numérique sont loin d’être complets, même s’ils peuvent aider lors de l’audit.

L’audit dit “manuel”, réalisé par un expert en accessibilité, reste le meilleur moyen d’obtenir un résultat le plus fiable et précis possible. En effet, les experts en accessibilité peuvent effectuer des tests approfondis en utilisant des technologies d’assistance, comme les lecteurs d’écran, pour évaluer l’accessibilité d’un site web ou d’une application et se basent sur le référentiel demandé (selon le besoin, RGAA ou WCAG dans leur dernière version). 

Ils peuvent également être amenés à utiliser d’autres outils facilitateurs (pas automatiques) pour les accompagner dans l’audit, comme l’extension Assistant RGAA qui recense les critères du RGAA ainsi que les différents tests à effectuer afin d’évaluer et vérifier la conformité de chacun d’entre eux. D’autres outils sont également utilisés, comme Color Contrast Analyser pour les couleurs, HeadingsMap pour les niveaux de titres… Nous vous proposerons prochainement un article récapitulatif de tous ces outils. 

Enfin, pour faciliter ces audits et rendre moins coûteux la mise en conformité, la solution idéale reste la formation en amont. En effet, si les designers, chefs de projet, développeurs et contributeurs sont formés à l’accessibilité numérique, ils seront en mesure de concevoir, développer et contribuer de manière accessible dès le départ du projet.

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