Outils de surcouche d’accessibilité : que valent-ils vraiment ?

Facil’iti, Equalweb, Lisio, Adaptemonweb … Les outils de surcouche d’accessibilité sont de plus en plus présents sur les sites internet. Mais que valent vraiment ces extensions faciles à implémenter ? Sont-elles utiles, dans quels contextes, et quelles sont leurs limites ? Nos experts en accessibilité numérique ont fait le point pour vous !

Note : tous les tests des outils dans cet article ont été effectués durant le mois de mai 2021. Nos affirmations restent donc valables uniquement dans ce contexte temporel.

Qu’est-ce qu’un outil de surcouche d’accessibilité ?

Avant de commencer, il nous semble important de définir ce que nous entendons par “outil de surcouche d’accessibilité” (ou accessibility overlays en anglais).

Les surcouches d’accessibilité sont des applications qui s’intègrent sur un site existant, pour en modifier l’affichage, selon les paramètres choisis par l’utilisateur. Elles s’installent comme un simple plug-in ou module complémentaire, avec un script intégré dans le code. Les fonctionnalités de ces outils permettent donc de personnaliser l’affichage des pages, par exemple en accentuant le contraste des couleurs ou en agrandissant la taille du texte.

Dans le processus de traitement de l’information pour l’utilisateur, ces outils se placent au bout de la chaîne de valeur. Pour dire les choses plus simplement, ce sont des technologies dites d’assistance.

À qui ces outils peuvent-ils être utiles ?

Ces outils visent donc à satisfaire des adaptations d’affichage, et peuvent, dans certains cas, se révéler utiles pour certains types de handicaps, essentiellement visuels, moteurs ou cognitifs.

Par exemple, pour le daltonisme, ils appliquent un filtre sur les couleurs qui peuvent être modifiées. Ces solutions proposent aussi des aides à la lecture pour les personnes dyslexiques, notamment en modifiant les espacements entre les mots et les lignes ou encore en changeant la police de caractère pour un meilleur confort de navigation. Elles permettent également d’augmenter les contrastes, la taille des caractères lorsque la vision baisse, notamment avec l’âge.

D’un point de vue réglementaire, ces outils de surcouche apportent un bénéfice et prennent en charge quelques critères du Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) du niveau de conformité légal (AA)  voire au-delà, pour des adaptations relatives à des critères WCAG (Web Content Accessibility Guidelines) de niveau AAA. Un volet normalement traité après une phase de mise en accessibilité pour être en conformité avec le RGAA.

Quelles sont leurs limites ?

Première limite : un nombre réduit d’utilisateurs concernés

Tout simplement, les outils de surcouche ne prennent pas en compte tous les types de handicap : c’est techniquement impossible sans intervention dans le développement même du site. Voici quelques exemples concrets de contenus ou composants qui ne pourront pas être corrigés :

  • les outils de surcouche ne fournissent pas d’alternatives textuelles aux images qui en auraient besoin (ou, au contraire, n’ignorent pas les alternatives des images de décoration lors de l’utilisation de technologies d’assistance) ;
  • les contenus interactifs (tels que les onglets d’un système d’onglets, ou un bouton qui sert à afficher ou masquer du contenu) qui ne sont pas disponibles au clavier, ne le seront toujours pas, malgré l’application de ces outils ;
  • les contenus tels que les intitulés de champs de formulaires (notamment lorsqu’il manque des indications sur le caractère obligatoire, ou si le format du champ est contrôlé), les intitulés des boutons de validation, la gestion du plan de titrage de la page ou le détournement de balisage ne sont pas impactés par les adaptations de l’affichage puisqu’il s’agit de contenu.

Les exemples ci-dessus démontrent que les outils de surcouche ne ciblent qu’une partie de la population en situation de handicap ; pour les utilisateurs non voyants, par exemple, ils ne sont d’aucun secours.

Deuxième limite : des fonctionnalités potentiellement déjà existantes

Même si ces outils ont un bénéfice, les fonctionnalités apportées viennent s’ajouter à un panel existant de technologies et d’extensions, déjà utilisées par les personnes en situation de handicap. En effet, tous les sites n’utilisent pas d’outil de surcouche et les utilisateurs ont souvent l’habitude d’utiliser des outils adaptés à leur handicap . Une personne atteinte de la maladie de Parkinson va par exemple utiliser une aide technique globale directement intégrée à son système d’exploitation et non limitée à son usage du site ou du navigateur.

Les outils de surcouche dupliquent donc des fonctionnalités certainement déjà disponibles avec d’autres solutions d’assistance.

Troisième limite : une accessibilité incomplète

Certaines fonctionnalités de ces surcouches ne sont elles-mêmes pas accessibles et peuvent créer de nouvelles erreurs d’accessibilité lorsqu’elles sont ajoutées sur des sites web.

En effet, certains de ces outils ajoutent des composants dans la page pour permettre notamment de configurer les différentes adaptations, cependant certains composants comportent eux-mêmes des erreurs d’accessibilité, par exemple :

  • Un des outils que nous avons testé ne peut être atteint au clavier pour déclencher l’ouverture du panneau de configuration, de plus la navigation au clavier dans l’outil n’est pas cohérente.
  • Un autre devient illisible lorsqu’on essaie de naviguer au clavier.

On a déjà vu que ces outils ne s’adressent pas à tous les utilisateurs, mais il est dommageable que leur implémentation nuise à l’accessibilité des utilisateurs de lecteur d’écran ou qui naviguent uniquement au clavier.

Par ailleurs, ces outils n’appliquent pas leur propres adaptations :

exemple 1
Par exemple, l’augmentation de la taille des caractères ou le changement de police ne s’applique pas à l’interface de l’outil de surcouche lui-même : l’interface pour faire ces choix n’est pas adaptée.
exemple 2
Le changement de police ou les modifications des espacements ne sont pas appliqués à l’outil de personnalisation qui est intégré dans le site.

Quatrième limite : les outils de surcouche ne remplacent pas la mise en conformité

Pour se mettre en conformité avec le RGAA, il faut travailler directement sur le code source des sites et applications concernés et développer de manière nativement accessible. Facil’iti, Lisio, Equalweb et Adaptemonweb n’agissent que sur les styles CSS des sites. C’est d’ailleurs ce que confirmait Yves Cornu, CEO de Facil’iti, dans une interview pour Koena : Nous sommes très clair sur ce point dans nos présentations commerciales, en l’état actuel de la réglementation, FACIL’iti ne permet pas de répondre aux exigences du RGAA puisque pour y répondre il faut agir sur le code ce que nous ne faisons pas.

D’un point de vue du respect de la conformité au RGAA, selon l’outil utilisé, uniquement 4 à 5 critères du RGAA sur 106 sont impactés à l’heure actuelle.

Deux critères concernent les couleurs :

  • la gestion des contrastes entre la couleur du texte et l’arrière plan ;
  • des composants d’interfaces et des éléments graphiques suffisamment contrastés.

Deux concernent la présentation de l’information :

  • une prise de focus visible pour les éléments concernés ;
  • les propriétés d’espacement du texte peuvent être redéfinies sans perte de contenu ou de fonctionnalité.

L’implémentation de l’outil de surcouche ne les rendra d’ailleurs pas tous conformes. En effet, selon le critère concerné du RGAA, la mise en place d’un mécanisme tiers, pour satisfaire un critère, n’est pas toujours autorisé.

Les outils de surcouche d’accessibilité ne dispensent donc pas de la mise en conformité avec les obligations légales d’accessibilité numérique. En effet, le cadre législatif du Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA) indique qu’il faut publier une déclaration de conformité précisant La vérification de la conformité des pages de l’échantillon avec les critères applicables s’effectue à l’aide des critères de contrôle du RGAA qui contiennent des tests techniques (site de la DINUM).

C’est d’ailleurs ce que précise Facil’iti dans sa FAQ :

Ainsi, en complément de l’installation de FACIL’iti, nous recommandons également à nos clients de mettre en place sur leurs sites une démarche d’accessibilité numérique prenant en compte les critères réglementaires du WCAG et du RGAA. […] Le RGAA (Référentiel Général d’Amélioration de l’Accessibilité) impose des modifications précises dans le code d’un site. FACIL’iti est une solution externe qui permet de modifier l’affichage d’un site sans entrer dans le code. Elle ne se substitue pas au RGAA.

La mise en conformité avec le RGAA reste incontournable pour respecter l’obligation légale d’accessibilité numérique. 

Rappelons que cela nécessite aujourd’hui une intervention humaine et une analyse au cas par cas, notamment pour évaluer la pertinence des solutions mises en place pour répondre à certains critères. Pour rendre un site accessible à tous, quel que soit le handicap de l’utilisateur, il faut respecter 106 critères quantitatifs et qualitatifs qui s’attachent à la fois aux aspects visuels, techniques, mais aussi aux contenus.

Notre conclusion

Ces technologies peuvent apporter un confort supplémentaire à certains utilisateurs. Cependant, les outils de surcouche d’accessibilité sont des solutions partielles qui ne doivent pas occulter le véritable enjeu de l’accessibilité numérique : le développement de sites et applications accessibles pour tous, uniquement garanti aujourd’hui par le respect du RGAA.